Récit sous forme de tanka-prose (les tankas sont des poèmes en 5 lignes qui s’alternent à la prose). Au sens large, l'impact sur l’environnement définit les effets, favorables et défavorables, pendant un temps donné et sur un espace défini, d’une activité humaine ou autre et les modifications engendrées globalement sur la nature.
Ce texte a été publié dans le n°42 de la Revue du tanka francophone.
http://www.revue-tanka-francophone.co...
Tanka-prose de Nadine Léon
ou le message d’une fourmi blanche et d’un jeune chêne…
Étendue dans
l'herbe
je sens l'énergie
subtile
de la Terre mère
à la fin de mon
chemin
je retournerai en
elle
En ce tranquille
après-midi d’été, je suis allée méditer au bosquet. Assise à
même le sol je me suis mise à l’écoute. Les arbres ont tant à
nous raconter. Oui, bien sûr, la fraîcheur de l’ombre, les
fruits, les fleurs… leur danse sous le vent, leur parfum, leur
musique et le chant des oiseaux qui les habite, et puis tous leurs
changements au rythme des saisons. Un spectacle permanent.
Mais ce n’est pas
tout. Le monde autour de nous est bien plus que ce que nos sens
perçoivent. Les choses vont au-delà de notre regard d’humain,
soit qu’elles outrepassent nos limites sensorielles, soit qu’elles
procèdent d’une infinie lenteur.
Au petit matin
l’érable change
de souffle
sans qu’on le
perçoive
malgré l’immobilité
au-dedans les arbres
vibrent
Les arbres sont des
êtres vivants pas si différents que nous. De nombreux chercheurs
ont démontré qu'ils ont une perception du monde plutôt
sophistiquée et qu'ils réussissent à recevoir et transmettre des
signaux, tout en développant des réseaux d’entraide. À leur
façon, les arbres voient, sentent, respirent, communiquent et
s’adaptent. Récemment des biologistes ont découvert que les
arbres puisent l’eau à travers un système de pompage similaire à
notre système cardiaque, en beaucoup plus lent bien sûr. Pour le
dire poétiquement, l’arbre a un cœur. En outre, les arbres
détiennent une sensibilité comparable à celle qui nous permet de
maintenir l’équilibre, et qui leur consent d'adapter leur forme
pour s'ancrer au sol ou se diriger vers la lumière… sans compter
leur rôle fondamental dans la nature, pour la qualité de l’air
qu’on respire, la biodiversité et quantité d’autres raisons. La
liste est interminable, tout le monde le sait.
Tandis
que ces considérations me distrayaient momentanément de la
méditation, je
me suis mise à regarder tout autour, à genou dans l’herbe, et me
suis dit que ces quelques arbres étaient sans doute la seule chose
que j’avais réussie dans ma vie. Je ne parle pas d’une réussite
personnelle, davantage d’une réussite dans le sens d’un
équilibre entre donner et recevoir. Ce sont eux que je laisserai
quand je m’en irai, et j’espère qu’ils resteront vivants bien
après moi.
En silence je
reprends ma méditation les yeux entrouverts. Oh ! … Soudain une
minuscule créature chemine sur ma robe. Quoi ? Une fourmi blanche ?
Je dois la regarder à deux fois tellement elle est petite. Une
fourmi albinos, c’est plutôt rare, non ? C’est la première fois
que j’en vois une. Je la laisse se promener sur ma main et décide
de l’adopter comme animal-guide. Ce qui me vaudra une recherche
attentive sur internet pour comprendre la symbolique et des fourmis
et de l’albinos. Pour moi rien de ce qui advient n’est anodin,
chaque événement et chaque rencontre sont porteurs de message. Je
la trouve tellement drôle, cette étonnante créature, que j’en
ris. Je l’envie un peu. Si légère, elle ne laissera que très peu
de traces d’elle, sinon qu’elle aura eu le pouvoir de m’égayer
et restera gravée dans ma mémoire. L’inverse ne risque pas de se
produire. Je sais, ces arbres ne pèsent pas lourd comparé à mon
impact sur la Terre. Je n’ose penser à la tonne de plastique qu’on
laisse derrière soi, par le simple fait de vivre dans notre système
conditionné par le progrès, en plein antagonisme avec la vie
naturelle. Cette idée et bien d’autres encore me désolent.
L'Amazonie brûle
des poumons verts de
la Terre
le monde s'en fout ?
entends-tu ces cris
d'oiseaux
sortir de l'enfer
des flammes
Devant moi se dresse
un jeune chêne de trois mètres de haut. C’est le fils du Vieux
Chêne qui se trouvait au bout de notre chemin. Il fut un temps où
ce grand arbre était le but de l’une de nos promenades favorites.
Il suffisait de prononcer le mot "promenade" que déjà
notre chien, un berger à poil long, se trouvait sur le pas de la
porte, Luka empoignait la laisse et notre sortie commençait avec le
reste des enfants à la suite. Luka était l’un des enfants que
nous avions en garde. Né aveugle, il était de ceux qui voient le
monde avec les mains et la plante des pieds. Pour l’aider à
conquérir une certaine autonomie, nous avions eu l’idée de
parcourir ensemble toujours le même trajet, lui devant et nous
derrière. Il devait nous conduire jusqu’au Vieux Chêne. Et ce
"nous" comprenait également maman chatte et sa file de
chatons qui immanquablement s’ajoutaient à la troupe, tous les
cinq à la queue leu leu. Les branches du chêne débordaient du
talus et Luka sautillait de joie quand il les sentait lui frôler le
visage. Il en prenait une dans sa main et en la secouant gentiment,
il disait « Salut Vieux Chêne ! », ce qui marquait la fin du
rituel et notre retour à la maison.
L’endroit
où je vis est victime du déboisement et, un jour, notre ami fut
abattu. Devenu grand, Luka avait quitté ma famille, son frère
aussi, et nous avions accueilli d’autres enfants. Nous étions
accourus sur
les lieux. Comme notre présence, et mon appareil photo surtout,
gênaient l’un des paysans, il s’avança vers moi, l’œil
sombre, en me menaçant avec la tronçonneuse. Son collègue le tira
en arrière par le pan de la veste. Le regardant droit dans les yeux,
je lui demandai :
– «
quel âge avait cet arbre ?
– 15
ans, me répondit-il.
– Non
! Il était déjà grand quand je me suis établie ici, il y a 20
ans. »
Les
choses en restèrent là. La chute de l’arbre avait gaulé les
glands. Les enfants les avaient ramassés et s’en étaient mis
plein les poches. Sur le chemin du retour, ils s’étaient bombardés
avec, jouant ainsi jusque sur
notre terrain. La saison d’après, de nombreux glands avaient
germé. Je les avais empotés pour les faire grandir en vue de les
replanter. Notre jeune chêne est l’un de ceux-là.
En haut du ciel la
présence d’une buse inquiète les mésanges et les longues-queues.
Moi aussi je suis prise d’inquiétude. L’été est la période
des incendies de forêt. L’an dernier à cette époque, tandis que
j’étais là, au milieu de mes arbres, à dormir ou à méditer,
des forêts entières brûlaient sur toute la Planète. Dans beaucoup
d’endroits, on continue à les incendier.
Où fleuriront-elles
l’amaryllis
l’orchidée
où se poseront
les ailes des
papillons
soja à perte de vue
Le cri du jaguar
résonne dans la
forêt
qu’un feu injurie
le vent souffle sur
les cendres
plus rien ne
soutient le ciel
Mes arbres me
relient aux forêts du monde. Ils sont mon ancrage à la réalité et
ma connexion à l’univers. À mon avis les arbres sont des êtres
spirituels, pas dans le sens religieux du terme, mais dans le sens de
souffle vital, parce qu’ils accumulent et transmettent de
l’énergie, tout comme nous d’ailleurs. Et cette énergie émet
des vibrations. En fait tout dans l’univers transmet des
vibrations.
Ce n’est pas
seulement un truc de New Age, d’antiques traditions dites païennes
ou de spiritualité profonde comme le taoïsme. C’est devenu
l’argument de recherches et de découvertes scientifiques
contemporaines, sans doute à partir de la réflexion de Albert
Einstein qui disait : "Tout est énergie, et c’est là tout ce
qu’il y a à comprendre dans la vie. Aligne-toi à la fréquence de
la réalité que tu souhaites et cette réalité se manifestera. Il
ne peut en être autrement. Ce n’est pas de la philosophie. C’est
de la physique". En plus, physiciens et ingénieurs ont élaboré
des techniques pour le vérifier, et des instruments pour mesurer les
fréquences vibratoires à l’aide d’appareils de mesure de
bio-résonance.
Les
humains ont la capacité naturelle de percevoir, plus ou moins
consciemment, les vibrations des arbres et du monde qui les entoure.
C’est
quelque chose de très subtil et une certaine sensibilité est
nécessaire. La pratique de la méditation pourrait aider, car il
faut littéralement se plonger dans l’instant présent. Pour ma
part, je dois avant tout me connecter avec mon intériorité et me
mettre à l’écoute de mes propres vibrations. Je peux ainsi entrer
en résonance avec d’autres vibrations suffisamment intenses telles
que celles des arbres, des cours d’eau, de la Terre ou des éléments
cosmiques. Selon moi, il est important, qu’au-delà de tout système
de croyance, cela se produise au niveau de l’expérience pure.
Ensuite, on prend pleinement conscience que tout est en
interrelation. L’idée que la nature et nous sommes d’une essence
différente disparaît alors à tout jamais. Inutile de dire que les
bienfaits qui en découlent sont innombrables.
En
lisant sur les réseaux sociaux certains témoignages semblables au
mien, je me rends compte que nous sommes de plus en plus nombreux à
savoir établir ces sortes de connections.
Cela
me réconforte. Je ne parlerais pas d’évolution, plutôt d’un
retour aux sources car c’est un don que nous avons perdu puis
retrouvé et qui se manifestait spontanément chez les peuples
antiques. L’évolution serait que scientifiques, philosophes,
poètes, ingénieurs, forestiers, juristes, et quiconque en ait le
ressenti, s’élèvent d’une seule voix pour provoquer un
renversement radical de comportement vis-à-vis de notre Planète.
Pour
que
le respect de la nature remplace
son
exploitation
forcenée.
À moins qu’il ne
soit trop tard ? Chacun fasse sa part, parce que la nature fera la
sienne à la barbe des négationnistes.
Laissez de l’espace
et on fera des forêts
nous disent les arbres
les pousses de l’acacia
dans l’allée font leur chemin
Ma maison la Terre
Ma maison la Terre est le nom de la playlist où le récit IMPACT se trouve inséré, c'est le nom d'un mouvement poétique international online qui a pour objectif la sensibilisation à la sauvegarde de la nature et au respect de notre Planète.
L'auteure, Nadine Léon, est membre du GARN, alliance globale pour les droits de la nature. en tant qu'artiste :
http://www.naturerights.com/blog/
https://therightsofnature.org/
https://droitsdelanature.com/lessentiel-des-droits-de-la-nature
" L'affirmation des droits de la Nature reconnait aux écosystèmes des droits à l'existence et les devoirs incombant à l'humanité de respecter l'intégrité de leurs cycles vitaux "
– reposant sur La “Déclaration Universelle des Droits de la Nature” portée par Global Alliance of the Rights of Nature (GARN)
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Ma Maison la Terre
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